Stockage de l'électricité par pompage turbinage thermique - piano4songs

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Stockage de l'électricité par pompage turbinage thermique

Sans une bonne batterie, les énergies renouvelables ne seront jamais crédibles. Malheureusement, il n'existe actuellement aucune bonne solution de stockage de l'électricité : soit que c'est trop cher, ou la conservation de l'énergie est limitée dans le temps, la fabrication est trop polluante ou bien on perd les trois quarts de ce qu'on a stocké comme avec l'hydrogène et c'est encore pire avec les carburants de synthèse. Sans une bonne batterie, nos investissements dans les éoliennes n'auront eu aucun sens. C'est pourquoi j'aimerais vous présenter une batterie qui semble promise à un bel avenir et qui fonctionne suivant le principe du pompage turbinage thermique. Ce stockage a été breveté en 1929 par Marguerre. Cependant, il est méconnu de nos jours, alors qu'il est le complément indispensable des énergies renouvelables. Voici de quoi il s'agit.

     
Vous connaissez le pompage turbinage par gravité, les STEP : on pompe l'eau d'un lac inférieur dans un lac supérieur lors du stockage, et pour récupérer l'électricité, on fait redescendre l'eau au travers d'une turbine hydraulique. Le pompage turbinage thermique est similaire, mais au lieu de pomper de l'eau, on pompe des calories avec une pompe à chaleur en créant un réservoir très froid et un réservoir très chaud. Pour récupérer l'électricité, cette différence de températures est appliquée à une turbine à vapeur. L'avantage est que les dimensions des réservoirs sont beaucoup plus réduites que celles d'un lac et qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un site au relief bien particulier. Cela vient du fait que beaucoup plus d'énergie peut être stockée dans la chaleur que dans les masses. Faisons un petite comparaison : prenons un mètre cube d'eau et chauffons-le de 15 °C à 95 °C d'une part et d'autre part une grue soulève ce mètre cube (qui pèse une tonne) à une hauteur de 100 mètres. Dans ces conditions, on a stocké 341 fois plus d'énergie dans la chaleur que dans les masses. Nous voyons donc qu'il faut privilégier le thermique.

Cette batterie qui est nécessairement stationnaire peut donc être installée dans les PME possédant de nombreux panneaux solaires. L'efficacité aller-retour de cette batterie, c'est-à-dire ce qu'on peut retirer de ce qu'on a stocké, se situe entre 50 % et 60 %, ce qui est mieux que les 25 % de l'hydrogène.

Cette batterie, qu'on peut également appeler batterie de Carnot avec pompe à chaleur, est composée de 4 éléments : un réservoir chaud, un réservoir froid, une pompe à chaleur et une turbine à vapeur.

La pompe à chaleur extrait les calories d'un réservoir qui devient très froid, y ajoute l'énergie à stocker qui vient des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes et place le tout dans un réservoir qui devient très chaud. On a donc stocké l'électricité sous forme de chaleur. Pour récupérer l'électricité, cette différence de température est appliquée à une turbine à vapeur.

Prenons un exemple.
   
De nombreuses fermes ont 400 m² de panneaux photovoltaïques sur le toit de leurs hangars. En Belgique, ils produisent 400 kWh par jour en été. Si cette énergie est stockée dans une batterie dont l'efficacité aller-retour est 50 %, la capacité de stockage de cette batterie est de 200 kWh par jour. Si cette électricité est écoulée en 10 heures, cela signifie que la puissance de la turbine est de 20 kW. Cela pourrait être produit par les micro-turbines d'Enogia https://enogia.com/orc/ . Actuellement, ces micro-turbines fonctionnent à basse température (entre 70 °C et 120 °C) mais elles ne permettraient d'obtenir que 20 % d'efficacité aller-retour tandis que si ces micro-turbines fonctionnaient à 500 °C, cette efficacité se situe entre 50 % et 60 %.

La température dans le réservoir chaud va évoluer entre 500 °C et 300 °C. Cette température de 500 °C doit être atteinte grâce à la pompe à chaleur. Cela existe et je trouve cela épatant. La température moyenne dans le réservoir chaud est donc 400 °C. Le réservoir froid contiendra de l'eau qui est constamment en train de congeler et de décongeler. Ce réservoir contient donc un mélange  d'eau liquide et de glace en proportions variables suivant les calories qui auront été extraites. Ce réservoir est donc toujours à 0°C.

Si nous appliquons ces températures de 400 °C et 0 °C à une turbine à vapeur, on peut calculer son rendement de Carnot, un rendement théorique qu'il n'est pas possible de dépasser. Ce rendement est dépendant uniquement des températures et il vaut (400 - 0) / (400 + 273) = 59,4 %. Nous avons ajouté 273 ° aux 400 °C pour obtenir les températures en degrés Kelvin.

Dans notre exemple, la batterie doit fournir 200 kWh, ce qui correspond aux 59,4 % utiles. Le réservoir froid doit refroidir la turbine en lui enlevant 100 % - 59,4 % = 40,6 % de l'énergie apportée à la turbine. Le réservoir froid devra donc contenir 40,6 / 59,4 * 200 kWh = 137 kWh. De façon théorique, le réservoir chaud devra apporter à la turbine 137 + 200 = 337 kWh.

Malheureusement, ceci serait exact si la transformation de l'énergie thermique en énergie mécanique était parfaite. Or, quand la vapeur frappe les aubes de la turbine, il y a des turbulences qui provoquent des pertes. Supposons que celles-ci s'élèvent à 20 %. On dira alors que la turbine a un rendement isentropique de 80 %. Cette perte doit permettre d'obtenir en sortie de la turbine 200 kWh consommés + le froid retiré au condenseur de la turbine, soit 137 kWh. Il faudra donc fournir à la turbine 337 kWh / 0,80 = 421 kWh. La perte isentropique vaut donc 421 - 337 = 84 kWh.

La perte dans le compresseur étant immédiatement dissipée au moment où l'énergie à stocker entre dans la batterie, elle ne doit donc pas être stockée et ne sera donc pas fournie à la turbine.

Supposons que le rendement isentropique du compresseur de la pompe à chaleur est également de 80 %. Le compresseur reçoit les calories du réservoir froid (137 kWh) et y ajoute l'énergie à stocker qui vient des panneaux solaires (200 kWh), sans oublier la perte isentropique dans la turbine qui subira elle-même une perte dans le compresseur. Cette perte majorée sera  donc de 84 kWh / 0,8 = 105 kWh. Les panneaux solaires devront donc fournir à la batterie l'énergie à stocker soit 200 kWh ainsi que les pertes dans la turbine (84 kWh) et la perte dans le compresseur de la pompe à chaleur (105 kWh) qui sera directement dissipée,  soit au total 200 kWh + 84 kWh + 105 kWh = 389 kWh. L'efficacité aller-retour de notre batterie sera 200 kWh / 389 kWh = 51,4 %, ce qui est mieux que les 25 % de l'hydrogène. La chaleur qui est retirée au condenseur de la turbine ne quitte pas la batterie et ne doit donc pas être apportée de l'extérieur.

Le réservoir froid sera fait en béton et contiendra de l'eau de pluie, car cette eau ne peut contenir de chlorures ou de sulfates qui attaquent le béton. Son volume sera de 137 kWh / 93 kWh/m³ nécessaires pour congeler 1 m³ d'eau, soit un réservoir froid de 1,5 m³. Le réservoir chaud contiendra un lit de roche, comme le basalte par exemple, ou des sels fondus. Les dimensions du réservoir chaud contenant du basalte seront données par

421 kWh / (500 °C - 300 °C) / 2.800 kg/m³ poids spécifique du basalte / 0,2 chaleur massique basalte * 860  kcal/kWh = 3 m³. Cependant, calculons quelle seront les déperditions de chaleur au travers des parois du réservoir chaud. Si c'est un cube de 1,5 m de côté, soit 3 m³, sa surface extérieure sera de 1,5 m * 1,5 m * 6 = 13,5 m².

Pour connaître les déperditions au travers des parois, j'utilise la formule : Surface * différence de température / épaisseur de l'isolant * coefficient de l'isolant * durée, soit après 15 jours de conservation :

13.5 m² * 400 °C / 2 m isolant * 0,04 coefficient laine de roche * 15 jours * 24 heures / 860 kcal/kWh = 45 kWh, alors que la contenance est de 421 kWh se trouvent dans le réservoir chaud, soit une perte de 22,6 % en 15 jours.

Un petit dessin vaut mieux qu'un long discours :
       
               
                
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Si le réservoir chaud est plus grand, par exemple s'il contient 4.000 kWh, ce même calcul donnerait un réservoir qui sera un cube de 64 m³ avec 4 m de côté et la déperdition en 15 jours serait de 4 %. On voit donc que plus le réservoir est grand, au moins il perd de chaleur par rapport à ce qu'il contient.

Les énergies renouvelables sont diffuses. On peut donc les capter partout, et décentraliser les récepteurs pour utiliser leur électricité sur place est tout à fait logique. Pour reprendre l'exemple cité plus haut, 400 m² de panneaux solaires devraient être couplé à une batterie de 200 kWh. Si cette batterie est remplie et vidée chaque jour, et qu'elle doit fournir de l'électricité pendant 10 heures par jour, cela signifie que la puissance de la turbine doit être de 20 kW. C'est exactement ce que fait actuellement Enogia, mais à des températures comprises côté chaud entre 70 °C et 120 °C, car utilisées pour récupérer la chaleur fatale. J'attends avec impatience ces mêmes micro-turbines fonctionnant à 400 °C.

Cette batterie serait vraiment une avancée significative en vue de rendre les énergies renouvelables crédibles, car elle  est constituée d'acier, de roches ou des sels fondus et d'eau, tous des éléments abondants dans la nature (il y a 2.000 fois plus de fer que de lithium dans le monde) et on n'est pas obligé d'assoiffer des régions entières comme on le fait avec le lithium.


Réservoir froid à - 60 °C

Pour des raisons de sécurité, les autorités n'autoriseront jamais de construire chez les particuliers une batterie avec un réservoir chaud à 500 °C. Mais on peut imaginer une batterie avec un réservoir chaud contenant de l'eau dont la température évolue de 60 °C à 90 °C et un réservoir froid de -70 °C à - 50 °C contenant de l'eau également. Le réservoir chaud est alors à la température des boilers dans nos maisons et dans le réservoir froid, la glace est figée et ne peut donc atteindre personne.

Ceci devrait être possible grâce au moteur Stirling qui est réversible et qui peut travailler également comme pompe à chaleur. D'ailleurs, actuellement, la majorité des moteurs Stirling s'utilisent pour la cryogénie, donc pour atteindre des températures extrêmement basses, de l'ordre de - 196 °C, afin de liquéfier l'azote. Il y aura donc un moteur Stirling pour stocker l'électricité des panneaux solaires et un autre pour restituer cette électricité. Nous pourrions aussi imaginer n'utiliser qu'un moteur Stirling, à la fois comme moteur et comme pompe à chaleur, quoique la gamme des températures est complètement différente. Ce ne sera donc peut-être pas possible.

Les deux réservoirs contiendront de l'eau. La chaleur spécifique de la glace est la moitié de celle de l'eau à 0°C et varie de façon quasi linéaire en fonction de la température (+ 0,17 %/°K). Donc, à -60 °C, la température moyenne entre -70 °C à - 50 °C, elle diminue de 60 * 0,17 = 10 % et la chaleur spécifique de la glace à -60 °C est donc 0,5 * 0,9 = 0,45.

Un particulier ayant une voiture électrique ne peut se contenter d'une batterie de 10 kWh de capacité, puisqu'il a besoin de 20 kWh/jour pour rouler 100 km et que son ménage consomme 10 kWh/jour pour l'éclairage et la télévision. Si nous prenons une batterie de 800 kWh, il aura une réserve pour un mois, ce qui est largement suffisant pour attendre que le soleil revienne illuminer ses panneaux solaires après une semaine pluvieuse.

Le rendement de Carnot du moteur Stirling, le rendement qu'on ne peut dépasser avec les températures choisies, est donné par la différence des températures appliquées au moteur : (75 - -60) / (75 + 273) = 39 %.

Le réservoir froid contiendra 61 / 39 * 800 kWh = 1.251 kWh

Le réservoir chaud contiendra 1.251 kWh + 800 kWh = 2.051 kWh auxquels il faut appliquer le rendement isentropique du moteur : 2.051 * 100 / 80 = 2.564 kWh

Comme expliqué dans l'exemple précédent, les panneaux solaires doivent fournir à la turbine l'énergie à stocker, la perte isentropique dans la turbine et celle dans la pompe à chaleur. L'énergie retirée au condenseur de la turbine ne quittant pas la batterie ne doit pas être apportée par les panneaux solaires. Finalement , ceux-ci devront apporter 800 kWh + 2 * 0,2 * 2.051 kWh + 0,2 * 0,2 * 2.051 kWh = .1.702 kWh. L'efficacité aller-retour de la batterie est donc 800 kWh / 1.702 kWh = 47 %. Cette valeur est proche de celle citée dans https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ente.201900895

Le volume du réservoir chaud sera 2.564 kWh / 30 °C / 1 chaleur spécifique eau chaude / 1.000 kg eau/m³ * 860 kcal/kWh = 73 m³, un cube de 4,2 m de côté. Sa surface est de 105 m²

1 m³ de glace dont la température évolue de -50 °C jusque -70 °C contient 1.000 kg eau * 0.45 chaleur spécifique * (70  - 50) / 860 kcal/kWh = 10,46 kWh/m³

Le volume  du réservoir froid est 1.251 kWh / 10,46 kWh/m³ = 120 m³, un cube de 5 m de côté. Sa surface est de 150 m².

La perte de chaleur dans le réservoir froid en un mois de temps est de 150 m² * 60 °C / 1,5 m isolant * 0,04 coefficient isolation * 30 jours * 24 heures / 860 kcal/kWh = 227 kWh

La perte de chaleur dans le réservoir chaud en un mois de temps est de 105 m² * 75 °C / 1,5 m isolant * 0,04 coefficient isolation * 30 jours * 24 heures / 860 kcal/kWh = 176 kWh

Au total, nous perdons 227 kWh + 176 kWh = 403 kWh sur une capacité totale de 2.564 kWh + 1.251 kWh = 3.815 kWh, soit 403 / 3.815 = 10 % en un mois. On peut donc réduire l'épaisseur de l'isolant des réservoirs thermiques à 0,75 m. La perte serait alors de 15 % en un mois.

Cette batterie pourrait donc trouver sa place chez un particulier ayant un grand jardin, soucieux de son autonomie plutôt que de sa rentabilité. Ceci est possible du fait que cette batterie fonctionne en circuit fermé et n'a pas besoin d'un aéroréfrigérant qui peut causer la légionellose..

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